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JEUDI 7 AVRIL

LISBETH SALANDER ENTRA DANS L’ÉTABLE par une porte desservant une ancienne rigole à purin. Il n’y avait pas d’animaux à la ferme. Elle regarda autour d’elle pour constater qu’il y avait trois voitures, rien d’autre – la Volvo blanche d’Auto-Expert, une vieille Ford et une Saab un peu plus récente. Plus au fond, il y avait une herse rouillée et d’autres machines datant de l’époque où la ferme était en activité.

Elle s’attarda dans la pénombre de l’étable et observa la maison d’habitation. La nuit était tombée et les lumières étaient allumées dans toutes les pièces du rez-de-chaussée. Elle ne voyait rien bouger, mais avait l’impression de distinguer la lueur dansante d’un poste de télévision. Elle jeta un regard sur sa montre. 19 h 30. L’heure de Rapport à la télé.

Cela l’intriguait que Zalachenko ait choisi de s’installer dans une maison aussi isolée. Cela ne ressemblait pas à l’homme qu’elle avait connu tant d’années plus tôt. Elle ne s’était pas attendue à le trouver à la campagne dans une petite ferme blanche, plutôt dans un pavillon de banlieue anonyme ou dans une villégiature à l’étranger. Au cours de sa vie, il avait dû se faire plus d’ennemis que Lisbeth Salander. Elle était perturbée par le fait que l’endroit semble si peu protégé. Elle se dit cependant qu’il devait avoir des armes dans la maison.

Après une longue hésitation, elle se faufila hors de l’étable dans le crépuscule. Elle traversa la cour d’un pas agile et s’arrêta le dos contre la façade de l’habitation. De faibles notes de musique lui parvinrent. Sans un bruit, elle contourna la maison et essaya de regarder par les fenêtres, mais celles-ci étaient situées trop haut.

D’instinct, Lisbeth n’aimait pas la situation de départ. Toute la première moitié de sa vie, elle avait vécu dans la terreur perpétuelle de l’homme dans la maison. L’autre moitié, après qu’elle avait échoué à le tuer, elle avait attendu qu’il réapparaisse dans sa vie. Cette fois-ci, elle n’avait pas l’intention de commettre d’erreurs. Zalachenko avait beau être un vieil infirme, il était aussi un assassin bien trempé qui avait survécu à plus d’une bataille.

En outre, il fallait qu’elle prenne en compte Ronald Niedermann.

Elle aurait préféré surprendre Zalachenko dehors en plein air, quelque part dans la cour où il serait vulnérable. Elle n’avait pas trop envie de lui parler, et elle aurait bien aimé avoir un fusil à lunette. Mais elle n’en avait pas et le bonhomme avait du mal à marcher, donc pas de raison de sortir. Le seul aperçu qu’elle avait eu de lui était pendant les minutes où il s’était rendu à la remise de bois, et il ne fallait pas espérer que l’envie lui prenne de faire une promenade du soir. Cela signifiait que si elle voulait attendre une meilleure occasion, elle devait se retirer et passer la nuit dans la forêt. Elle n’avait pas de sac de couchage et même si la soirée était tiède, la nuit serait froide. Maintenant qu’elle l’avait enfin à portée de main, elle ne voulait pas risquer qu’il lui échappe de nouveau. Elle pensa à Miriam Wu et à sa maman.

Lisbeth se mordit la lèvre inférieure. Il fallait qu’elle s’introduise dans la maison, ce qui était la pire alternative. Elle pouvait évidemment frapper à la porte et vider une partie de son chargeur dès que quelqu’un ouvrirait, et ensuite entrer pour trouver l’autre enfoiré. Mais cela signifiait que celui qui restait serait prévenu et vraisemblablement armé. Analyse des conséquences. Quelles autres possibilités ?

Soudain, elle aperçut le profil de Niedermann quand il passa devant une fenêtre à seulement quelques mètres d’elle. Il regardait par-dessus son épaule dans la pièce et parlait avec quelqu’un.

Ils se trouvent tous les deux dans la pièce à gauche de l’entrée.

Lisbeth se décida. Elle sortit le pistolet de la poche de sa veste, ôta le cran de sûreté et monta sans bruit sur le perron. Elle tenait l’arme dans la main gauche pendant qu’avec une lenteur infinie elle appuya sur la poignée de la porte. Celle-ci n’était pas fermée à clé. Elle fronça les sourcils et hésita. Il y avait des doubles serrures de sécurité sur la porte.

Zalachenko n’aurait pas laissé la porte ouverte. Sa nuque se couvrit de chair de poule.

Ça ne collait pas.

L’entrée était plongée dans le noir. A droite, elle aperçut un escalier montant à l’étage. Il y avait deux portes droit devant et une à gauche. Elle pouvait voir de la lumière filtrer par une fente au-dessus de la porte. Elle resta immobile et écouta. Puis elle entendit une voix et le raclement d’une chaise dans la pièce à gauche.

Elle fit deux grandes enjambées, ouvrit la porte et pointa son arme sur… la pièce était vide.

Elle entendit un froissement de vêtements derrière elle et pivota comme un reptile. A la seconde où elle essayait de viser, l’énorme poigne de Ronald Niedermann se ferma comme un anneau de fer autour de son cou et l’autre attrapa sa main qui tenait l’arme. Il la saisit par la nuque et la souleva en l’air comme si elle était une poupée.

 

 

L’ESPACE D’UNE SECONDE, elle agita les jambes dans le vide. Puis elle se tourna et donna un coup de pied en direction de l’entrejambe de Niedermann. Elle rata et l’atteignit à la hanche. Ce fut comme de donner un coup de pied dans un tronc d’arbre. Tout devint noir devant ses yeux quand il serra autour de son cou et elle sentit qu’elle perdait l’arme.

Merde.

Puis Ronald Niedermann la projeta dans la pièce. Elle atterrit brutalement sur un canapé et glissa par terre. Elle sentit le sang affluer de nouveau dans sa tête et se mit debout, encore étourdie. Elle vit un lourd cendrier triangulaire en verre massif sur une table, l’attrapa et le lança en se retournant. Niedermann intercepta son bras au vol. Elle glissa sa main libre dans la poche gauche de son pantalon, sortit la matraque électrique, pivota et l’enfonça dans l’entrejambe de Niedermann.

Elle sentit la décharge électrique transmise en elle par le bras que Niedermann tenait. Elle s’attendait à ce qu’il s’écroule de douleur. Au lieu de quoi il la regarda avec une expression interloquée. Les yeux de Lisbeth Salander s’écarquillèrent de stupeur. De toute évidence, l’homme ressentait un désagrément, mais globalement, il ignorait la douleur. Il n’est pas normal, ce mec.

Niedermann se pencha et lui prit la matraque qu’il examina, toujours l’air interloqué. Puis il la gifla du plat de la main. Ce fut comme s’il l’avait frappée avec une massue. Elle s’effondra par terre devant le canapé. Elle leva les yeux et rencontra ceux de Ronald Niedermann. Il la regarda avec curiosité, un peu comme s’il se demandait quel serait son prochain mouvement. Comme un chat qui se prépare à jouer avec sa proie.

Ensuite, elle devina un mouvement dans l’entrebâillement d’une porte plus loin dans la pièce. Elle tourna la tête.

Il entra lentement dans la lumière.

Il s’appuyait sur une canne anglaise et elle put voir qu’une jambe se terminait par une prothèse. Sa main gauche était une boule atrophiée à laquelle manquaient deux doigts.

Elle leva les yeux vers son visage. La moitié gauche était un patchwork de cicatrices laissées par les brûlures. Il ne restait presque rien de son oreille et il n’avait pas de sourcils. Il était chauve. Elle se souvenait de lui comme d’un homme viril et athlétique, aux cheveux noirs ondulés. Il ne mesurait pas plus de un mètre soixante-cinq et il était décharné.

— Salut papa, dit-elle d’une voix sans expression.

Alexander Zalachenko regarda sa fille avec tout aussi peu d’expression.

 

 

RONALD NIEDERMANN ALLUMA le plafonnier. Il tâta sa veste pour vérifier qu’elle ne portait pas d’autre arme, puis il mit le cran de sûreté du P-83 Wanad et enleva le chargeur. Zalachenko se traîna jusqu’à un fauteuil et brandit une télécommande.

Le regard de Lisbeth tomba sur l’écran de télé derrière lui. Zalachenko cliqua et elle vit soudain apparaître une image scintillante et verte de la zone derrière l’étable et d’un bout du chemin d’accès. Caméra avec optique à infrarouge. Ils savaient qu’elle s’approchait.

— J’ai commencé à me dire que tu n’oserais pas te montrer, dit Zalachenko. On te surveille depuis 16 heures. Tu as déclenché presque toutes les alarmes autour de la ferme.

— Détecteurs de mouvement, dit Lisbeth.

— Deux au chemin d’accès et quatre dans la coupe de l’autre côté du pré. Tu as établi ton poste de surveillance exactement à l’endroit où nous avions installé l’alarme. C’est de là qu’on a la meilleure vue de la ferme. En général ce sont des élans ou des chevreuils et parfois des gens qui ramassent des baies qui viennent trop près. Mais c’est rare qu’on voie quelqu’un approcher un flingue à la main.

Il garda le silence une seconde.

— Tu croyais vraiment que Zalachenko allait rester totalement exposé dans une petite maison à la campagne ?

 

 

LISBETH SE MASSA LA NUQUE et fit mine de se lever.

— Reste par terre, dit Zalachenko durement.

Niedermann cessa de tripoter le pistolet de Lisbeth et la contempla calmement. Il haussa un sourcil et lui sourit. Lisbeth se souvint du visage massacré de Paolo Roberto qu’elle avait vu à la télé et décida que c’était une bonne idée de rester par terre. Elle poussa un soupir et s’adossa au canapé.

Zalachenko tendit sa main droite intacte. Niedermann tira une arme glissée dans son pantalon, fit jouer la glissière et la lui donna. Lisbeth nota que c’était un Sig Sauer, l’arme standard de la police. Zalachenko fit un signe du menton. Sans autre forme de communication, Niedermann pivota sur ses talons et enfila une veste. Il quitta la pièce et Lisbeth entendit la porte sur l’extérieur s’ouvrir puis se refermer.

— Juste pour que tu n’ailles pas imaginer des bêtises. La moindre tentative de te lever et je te truffe de plombs.

Lisbeth se détendit. Il aurait le temps de placer deux balles, voire trois, avant qu’elle puisse l’atteindre, et il utilisait probablement des munitions qui la feraient mourir d’hémorragie en quelques minutes.

— Tu as une sale gueule, dit Zalachenko en indiquant l’anneau qu’elle portait au sourcil. On dirait une pute.

Lisbeth le fixa.

— Mais tu as mes yeux, dit-il.

— Ça fait mal ? demanda-t-elle avec un signe de tête sur sa prothèse.

Zalachenko la contempla un long moment.

— Non. Plus maintenant.

Lisbeth hocha la tête.

— Tu rêves de me tuer, dit-il.

Elle ne répondit pas. Il éclata de rire.

— J’ai pensé à toi pendant des années. A peu près chaque fois que je me vois dans la glace, je pense à toi.

— Tu aurais dû laisser ma maman tranquille.

Zalachenko rit.

— Ta mère était une putain.

Les yeux de Lisbeth se firent noirs comme de l’encre.

— Elle n’était pas une putain. Elle était caissière dans une supérette et elle essayait de nous faire vivre avec ce qu’elle gagnait.

Zalachenko rit de nouveau.

— Garde-les, tes fantasmes sur elle. Moi, je sais qu’elle était une putain. Et elle s’est vite débrouillée pour tomber enceinte, et ensuite elle a essayé de me pousser au mariage. Comme si j’allais me marier avec une pute !

Lisbeth ne dit rien. Elle regardait l’orifice du canon en espérant qu’il relâcherait sa concentration un instant.

— La bombe incendiaire, c’était astucieux. Je t’ai haïe. Mais ensuite tout cela est devenu sans importance. Tu ne valais pas cette énergie-là. Si seulement tu n’étais pas intervenue, je n’aurais rien fait.

— Conneries. Bjurman t’a engagé pour me régler mon compte.

— Ça n’avait rien à voir. C’était un accord commercial. Il avait besoin d’un film que tu détiens et moi je mène un petit business.

— Et tu croyais que j’allais te refiler le film.

— Oui, ma chère fille. Je suis persuadé que tu l’aurais fait. Tu ne devines pas à quel point les gens deviennent coopératifs quand Ronald leur demande quelque chose. Surtout quand il démarre une tronçonneuse et scie un de tes pieds. Dans mon cas, ce serait en plus une compensation appropriée… un pied pour un pied.

Lisbeth pensa à Miriam Wu aux mains de Ronald Niedermann dans l’entrepôt de Nykvarn. Zalachenko se méprit sur son expression.

— Rassure-toi. On n’a pas l’intention de te dépecer.

Il la regarda.

— Est-ce que Bjurman t’a réellement violée ?

Elle ne répondit pas.

— Quel putain de mauvais goût il trimballait, celui-là. J’ai lu dans le journal que tu es une sorte de sale gouine. Ça ne m’étonne pas. Je comprends qu’aucun mec ne veuille de toi.

Lisbeth ne répondit toujours pas.

— Je devrais peut-être demander à Niedermann de t’astiquer. Tu as l’air d’en avoir besoin.

Il y réfléchit.

— Mais Niedermann ne baise pas les filles. Non, il n’est pas pédé. Il ne baise pas, c’est tout.

— Alors il va falloir que tu m’astiques toi-même, lança Lisbeth pour le provoquer.

Approche. Commets une erreur.

— Oh non, certainement pas. Je ne suis pas pervers à ce point.

Ils ne dirent rien pendant un moment.

— Qu’est-ce qu’on attend ? demanda Lisbeth.

— Mon associé revient bientôt. Il va seulement déplacer ta voiture et s’occuper d’un truc. Où se trouve ta sœur ?

Lisbeth haussa les épaules.

— Réponds-moi.

— Je n’en sais rien et, très franchement, je m’en fous complètement.

Il rit de nouveau.

— Et l’amour entre sœurs ? Camilla était toujours celle qui avait quelque chose dans le crâne alors que toi tu étais bonne à jeter à la poubelle.

Lisbeth ne répondit pas.

— Mais je dois reconnaître que c’est vraiment très satisfaisant de te voir de près de nouveau.

— Zalachenko, dit-elle, tu me fatigues un max. Est-ce que c’est Niedermann qui a tué Bjurman ?

— Bien sûr. Ronald Niedermann est un parfait soldat. Non seulement il obéit aux ordres, mais il prend aussi des initiatives quand il faut.

— Où est-ce que tu l’as dégoté ?

Zalachenko regarda sa fille avec une expression étrange. Il ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose, mais hésita et garda le silence. Il lorgna vers la porte extérieure et sourit tout à coup.

— Tu veux dire que tu ne l’as pas encore compris, dit-il. D’après Bjurman tu serais une enquêteuse particulièrement douée.

Puis Zalachenko éclata de rire.

— On a commencé à se fréquenter en Espagne au début des années 1990 quand j’étais encore en convalescence après ta petite bombe incendiaire. Il n’est pas mon employé… c’est un partenariat. Nous dirigeons une affaire florissante.

— Trafic de femmes.

Il haussa les épaules.

— On peut dire qu’on est diversifié et qu’on couvre de nombreux domaines et services. L’idée de notre entreprise est de rester dans l’ombre sans jamais nous faire voir. Tu n’as donc vraiment pas compris qui est Ronald Niedermann ?

Lisbeth ne dit rien. Elle ne voyait absolument pas ce qu’il insinuait.

— Ronald est ton frère, dit Zalachenko.

— Non ! fit Lisbeth, le souffle coupé.

Zalachenko rit de nouveau. Mais le canon du pistolet était toujours fermement dirigé sur elle.

— En tout cas ton demi-frère, précisa Zalachenko. Le résultat d’un divertissement au cours d’une mission que j’ai eue en Allemagne en 1970.

— Tu as fait de ton fils un tueur.

— Oh non, je l’ai seulement aidé à réaliser son potentiel. Il avait la capacité de tuer bien avant que je prenne en main son éducation. Et quand je ne serai plus là, il mènera loin l’entreprise familiale.

— Est-ce qu’il sait que je suis sa demi-sœur ?

— Bien sûr. Mais si tu t’imagines pouvoir faire appel à ses sentiments fraternels, oublie tout de suite. Je suis sa famille. Toi, tu n’es qu’un vague bruissement à l’horizon. Je dois peut-être te préciser qu’il n’est pas ton seul demi-frère. Tu as au moins quatre autres frères, et trois sœurs aussi, dans différents pays. L’un de tes autres frères est un crétin mais un autre possède un certain potentiel. Il s’occupe de la filiale de Tallinn. Cela dit, Ronald est le seul de mes enfants qui rende vraiment justice aux gènes de Zalachenko.

— J’imagine qu’il n’y a pas de place pour mes sœurs dans l’entreprise familiale.

Zalachenko eut l’air médusé.

— Zalachenko… tu n’es qu’un enfoiré ordinaire qui n’aime pas les femmes. Pourquoi est-ce que vous avez tué Bjurman ?

— Bjurman était un con. Il est tombé des nues quand il a découvert que tu étais ma fille. Il était une des très rares personnes de ce pays à connaître mon passé. Je dois reconnaître que ça m’a inquiété qu’il prenne brusquement contact avec moi, mais ensuite tout s’est arrangé au mieux. Il est mort et c’est toi qu’on a accusée.

— Mais pourquoi est-ce que vous l’avez tué ? insista Lisbeth.

— Ce n’était pas prévu. Je me réjouissais de travailler avec lui pendant des années encore, et c’est toujours utile d’avoir une porte d’entrée discrète à la Säpo. Même s’il s’agit d’un con. Mais ce journaliste à Enskede avait réussi à trouver un lien entre lui et moi, et il a appelé Bjurman au moment où Ronald se trouvait chez lui. Bjurman a été pris de panique et a complètement disjoncté. Ronald a été obligé de prendre une décision au pied levé. Il a fait exactement ce qu’il fallait faire.

 

 

LE CŒUR DE LISBETH TOMBA comme une pierre dans sa poitrine lorsque son père confirma ce qu’elle avait déjà compris. Dag Svensson avait trouvé un lien. Elle avait parlé avec Dag et Mia pendant plus d’une heure. Elle avait immédiatement aimé Mia alors que ses sentiments à l’égard de Dag Svensson étaient plus nuancés. Il lui rappelait beaucoup trop Mikael Blomkvist – un insupportable sauveur du monde qui s’imaginait pouvoir changer les choses en publiant un livre. Mais elle avait accepté ses bonnes intentions.

Globalement, la visite chez Dag et Mia avait été du temps perdu. Ils ne pouvaient pas la mener vers Zalachenko. Dag Svensson était tombé sur le nom et avait commencé à fouiller, mais il n’avait pas réussi à l’identifier.

En revanche, elle avait fait une erreur fatale pendant sa visite. Elle savait qu’il devait y avoir un lien entre Bjurman et Zalachenko. Elle avait donc posé des questions sur Bjurman dans une tentative de savoir si Dag Svensson était tombé sur son nom. Ce n’était pas le cas, mais il avait un bon flair. Il avait immédiatement mis le zoom sur le dénommé Bjurman et l’avait assaillie de questions.

Sans que Lisbeth ait livré grand-chose à Dag Svensson, il avait compris qu’elle faisait partie du drame. Il avait aussi compris qu’il détenait des informations qu’elle voulait obtenir. Ils s’étaient mis d’accord pour se revoir après Pâques. Ensuite Lisbeth Salander était rentrée chez elle et s’était couchée. En se réveillant le matin et en écoutant les informations, elle avait appris que deux personnes avaient été assassinées dans un appartement à Enskede.

Lors de sa visite, elle avait donné à Dag Svensson une seule chose utilisable. Elle lui avait donné le nom de Nils Bjurman. Dag Svensson avait dû prendre son téléphone pour appeler Bjurman au moment même où elle quittait leur appartement.

C’était elle qui était le lien. Si elle n’était pas allée voir Dag Svensson, lui et Mia seraient toujours en vie.

Zalachenko rit.

— Tu n’imagines pas notre surprise quand la police a commencé à te traquer pour les meurtres.

Lisbeth se mordit la lèvre inférieure. Zalachenko l’examina.

— Comment est-ce que tu m’as trouvé ? demanda-t-il.

Elle haussa les épaules.

— Lisbeth… Ronald sera de retour dans très peu de temps. Je peux lui demander de te briser tous les os du corps jusqu’à ce que tu répondes. Epargne-nous ce travail.

— La boîte postale. J’ai pisté la voiture de location de Niedermann et j’ai attendu que le petit boutonneux débarque pour vider la boîte.

— Ouah, bien joué ! Merci. Je m’en souviendrai.

Lisbeth réfléchit un instant. Le canon était toujours dirigé sur le haut de son corps.

— Et tu crois réellement que cette tempête va se calmer ? demanda Lisbeth. Tu as commis trop d’erreurs, la police va finir par t’identifier.

— Je sais, répondit son père. Björck a appelé hier et raconté qu’un journaliste de Millenium a flairé l’histoire et que maintenant tout n’est qu’une question de temps. C’est possible qu’on soit obligé de s’occuper de ce journaliste.

— Ça va faire une longue liste, dit Lisbeth. Mikael Blomkvist et la patronne Erika Berger, et la secrétaire de rédaction et plusieurs employés de Millenium, Sans compter Dragan Armanskij et deux ou trois employés de Milton Security. Et Bublanski et plusieurs autres flics de l’enquête. Combien de personnes est-ce que tu vas tuer pour étouffer cette histoire ? Ils finiront par te coincer.

Zalachenko rit encore.

— Et alors ? Je n’ai tué personne et il n’y a pas la moindre preuve technique contre moi. Qu’ils identifient donc qui ils veulent. Crois-moi… ils peuvent venir faire leurs perquisitions dans cette maison, ils ne trouveront pas un grain de poussière qui pourrait m’associer à une activité criminelle. C’est la Säpo qui t’a enfermée chez les fous, pas moi, et ils ne s’empresseront sans doute pas trop de mettre toutes les cartes sur table.

— Niedermann, rappela Lisbeth.

— Dès demain matin, Ronald partira en vacances à l’étranger pour quelque temps en attendant la suite des événements.

Zalachenko regarda Lisbeth, les yeux triomphants.

— Tu resteras la principale suspecte des meurtres. Il est donc tout indiqué que tu disparaisses purement et simplement, sans bruit.

 

 

PRÈS D’UNE HEURE S’ÉCOULA avant que Ronald Niedermann revienne. Il portait des bottes.

Lisbeth Salander jeta un regard sur l’homme qui selon son père serait son demi-frère. Elle n’arrivait pas à déceler la moindre ressemblance. Au contraire, il lui était diamétralement opposé. Par contre, elle avait le net sentiment que quelque chose clochait chez Ronald Niedermann. La charpente, le visage mou et la voix qui n’avait pas vraiment mué encore, tout cela évoquait des sortes d’erreurs génétiques. Il n’avait pas été sensible à la matraque électrique et ses mains étaient énormes. Rien chez Ronald Niedermann ne semblait tout à fait normal.

On dirait qu’il y a un tas d’erreurs génétiques dans la famille Zalachenko, pensa-t-elle avec amertume.

— C’est prêt ? demanda Zalachenko.

Niedermann hocha la tête. Il tendit la main pour reprendre son Sig Sauer.

— Je viens, dit Zalachenko.

Niedermann hésita.

— Il faut marcher pas mal.

— Je viens. Va me chercher ma veste.

Niedermann haussa les épaules et fit ce qu’il avait dit. Puis il se mit à manipuler son arme pendant que Zalachenko s’habillait et disparaissait un court moment dans une pièce à côté. Lisbeth contempla Niedermann en train de visser un adaptateur avec un silencieux fait maison.

— On y va, dit Zalachenko près de la porte.

Niedermann se pencha et hissa Lisbeth sur ses pieds. Elle croisa son regard.

— Je vais te tuer, toi aussi, dit-elle.

— En tout cas, tu as confiance en toi, dit son père.

Niedermann lui sourit doucement et la poussa vers la porte puis dans la cour. Il la tenait par la nuque d’une main ferme. Ses doigts faisaient sans problème le tour de son cou. Il la mena vers la forêt au nord de l’étable.

Ils n’avancèrent pas vite et Niedermann s’arrêta régulièrement pour attendre Zalachenko. Ils avaient pris des torches puissantes. Quand ils furent arrivés parmi les arbres, Niedermann lâcha la prise autour de son cou. Il pointait le canon du pistolet dans son dos, à un mètre de distance.

Ils suivirent un sentier difficilement praticable sur environ quatre cents mètres. Lisbeth trébucha deux fois, et chaque fois elle fut remise sur pied.

— Tourne à droite ici, dit Niedermann.

Au bout d’une dizaine de mètres, ils arrivèrent dans une clairière. Lisbeth vit le trou dans le sol. A la lueur de la lampe de Niedermann, elle vit une pelle plantée dans un tas de terre. Soudain elle comprit ce que Niedermann était allé faire. Il la poussa vers le trou et elle trébucha et tomba à quatre pattes. Ses mains s’enfoncèrent profondément dans le sable. Elle leva la tête et le regarda sans la moindre expression. Zalachenko prenait son temps et Niedermann l’attendait calmement. A aucun moment le canon de son pistolet ne cessait d’être braqué sur Lisbeth.

 

 

ZALACHENKO ÉTAIT ESSOUFFLÉ. Il lui fallut plus d’une minute avant de pouvoir parler.

— Je devrais dire quelque chose, mais je ne crois pas que j’aie quoi que ce soit à te raconter, dit-il.

— Ça me va, dit Lisbeth. Je n’ai pas grand-chose à te dire non plus.

Elle lui adressa un sourire en coin.

— Qu’on en finisse, dit Zalachenko.

— Je me réjouis de savoir que la dernière chose que j’ai faite aura été de te coincer, dit Lisbeth. La police va débarquer chez toi dès cette nuit.

— Tu parles. Je m’attendais à ce que tu tentes un truc comme ça. Tu es venue ici pour me tuer et rien d’autre. Tu n’as parlé à personne.

Le sourire de Lisbeth Salander s’élargit. Elle eut soudain l’air mauvaise.

— Laisse-moi te montrer quelque chose, papa.

Elle plongea lentement la main dans la poche de la jambe gauche et en tira un objet carré. Ronald Niedermann surveillait le moindre de ses mouvements.

— Chaque mot que tu as prononcé cette dernière heure a été diffusé sur Internet.

Elle brandit son PDA Palm Tungsten T3.

Le front de Zalachenko se creusa d’une ride à l’endroit où les sourcils auraient dû se trouver.

— Montre-moi ça, dit-il, et il tendit sa main intacte.

Lisbeth lui lança le PDA. Il l’attrapa au vol.

— Tu parles, dit Zalachenko. Ce n’est qu’un Palm ordinaire.

 

 

LORSQUE RONALD NIEDERMANN se pencha en avant pour regarder le PDA, Lisbeth Salander balança une poignée de sable droit dans ses yeux. Il fut immédiatement aveuglé mais tira machinalement un coup de feu avec le pistolet muni de son silencieux. Lisbeth avait déjà fait deux pas de côté et la balle ne déchira que l’air où elle s’était tenue. Elle saisit la pelle et en abattit le tranchant sur la main qui tenait le pistolet. Elle l’atteignit de toutes ses forces sur les jointures des doigts et aperçut son Sig Sauer faire une large courbe dans l’air pour aller atterrir parmi quelques buissons. Elle vit du sang jaillir d’une plaie profonde à la phalange de l’index.

Il devrait hurler de douleur.

Niedermann tâtonna dans l’air avec sa main blessée tandis qu’il se frottait désespérément les yeux avec l’autre. La seule possibilité pour Lisbeth de gagner le combat était de causer immédiatement des dégâts massifs ; s’il y avait corps à corps, elle serait irrémédiablement perdue. Elle avait besoin d’un répit de cinq secondes pour disparaître dans la forêt. Elle rabattit la pelle derrière elle et la rebalança en avant de toutes ses forces. Elle essaya de tourner le manche pour l’atteindre avec le tranchant, mais elle était mal positionnée. Ce fut le plat de la pelle qui frappa le visage de Niedermann.

Niedermann grogna quand son nez se brisa pour la deuxième fois en quelques jours. Il était toujours aveuglé par le sable, mais fit un grand mouvement avec le bras droit et réussit à repousser Salander. Elle partit en arrière et posa le pied sur une racine. Pendant une seconde elle fut par terre, mais d’une poussée elle se releva immédiatement. Niedermann était hors jeu pour l’instant.

Je vais y arriver.

Elle fit deux pas vers les broussailles quand elle vit du coin de l’œil – clic — Alexander Zalachenko lever le bras.

Le vieux con aussi a un pistolet.

La découverte fusa comme un coup de fouet à travers sa tête.

Elle changea de direction au moment même où il tirait. La balle la toucha à la hanche, la fit pivoter et perdre l’équilibre.

Elle ne ressentit pas de douleur.

La deuxième balle la toucha dans le dos et s’arrêta contre son omoplate gauche. Une douleur aiguë et paralysante traversa son corps.

Elle tomba à genoux. Pendant quelques secondes, elle fut incapable de bouger. Elle était consciente que Zalachenko se trouvait derrière elle, à cinq-six mètres. Avec un dernier effort, elle se remit obstinément sur pied et fit un pas vacillant vers le rideau protecteur des buissons.

Zalachenko eut tout son temps pour viser. La troisième balle l’atteignit à environ deux centimètres au-dessus de l’oreille gauche. La balle perça l’os de la tête et causa un réseau de fissures irradiantes dans le crâne. La balle de plomb pénétra dans sa tête où elle se figea dans la matière grise à quatre centimètres sous l’écorce cérébrale.

Pour Lisbeth Salander, la description médicale de la situation n’était que des termes scientifiques. En termes pratiques, la balle signifia un traumatisme massif et immédiat. Sa dernière perception fut un choc rouge qui se transforma en lumière blanche.

Ensuite, l’obscurité.

Clic.

Zalachenko essaya de presser une nouvelle fois sur la détente, mais ses mains tremblaient tellement qu’il ne pouvait pas viser. Elle a failli s’en tirer. Finalement, il comprit qu’elle était déjà morte et baissa son arme, tremblant, pendant que l’adrénaline affluait dans tout son corps. Il regarda son arme. Il avait pensé laisser le pistolet à la maison, mais était allé le chercher et l’avait glissé dans sa poche, comme s’il avait besoin d’une mascotte. Cette fille était monstrueuse. Ils étaient deux hommes adultes et l’un d’eux était Ronald Niedermann qui de plus était armé de son Sig Sauer. Et cette sale pute avait presque failli s’en tirer.

Il jeta un regard sur le corps de sa fille. A la lumière de la torche, elle ressemblait à une poupée de chiffon ensanglantée. Il mit le cran de sûreté et glissa le pistolet dans sa poche, puis il s’approcha de Ronald Niedermann. Celui-ci était complètement désemparé, des larmes plein les yeux et du sang qui coulait de sa main et du nez. Son nez n’avait pas guéri depuis le match pour le titre contre Paolo Roberto et le plat de la pelle avait causé de nouveaux dégâts importants.

— Je crois que j’ai encore le nez cassé, dit-il.

— Imbécile, dit Zalachenko. Elle a failli s’en tirer encore une fois.

Niedermann continua à se frotter les yeux. Il n’avait pas mal, mais les larmes coulaient et il était presque totalement aveuglé.

— Tiens-toi droit, merde ! Zalachenko secoua la tête avec mépris. Putain, qu’est-ce que tu ferais sans moi !

Niedermann cilla désespérément. Zalachenko boitilla jusqu’au corps de sa fille et saisit sa veste en haut du dos.

Il souleva et la tira vers la tombe qui n’était qu’un trou dans la terre, trop petit pour qu’elle puisse reposer de tout son long. Il souleva le corps de sorte que ses pieds se retrouvent au-dessus du trou, puis il la laissa tomber comme un sac de patates. Elle atterrit en position fœtale, en avant avec les jambes repliées sous elle.

— Rebouche-moi ça, qu’on puisse rentrer, ordonna Zalachenko.

Il fallut un moment à Ronald Niedermann, encore à moitié aveuglé, pour remettre la terre. Il rejeta sur le terrain alentour celle qui était en trop à grands coups de pelletées vigoureuses.

Zalachenko fuma une cigarette tout en contemplant le travail de Niedermann. Il tremblait toujours, mais l’adrénaline commençait à refluer. Il ressentait un soudain soulagement qu’elle soit éliminée. Il se rappelait encore ses yeux à l’instant où elle avait lancé sa bombe incendiaire tant d’années auparavant.

Il était 21 heures quand Zalachenko regarda autour de lui et hocha la tête. Ils réussirent à retrouver le Sig Sauer de Niedermann parmi les buissons. Puis ils retournèrent à la maison. Zalachenko se sentait merveilleusement satisfait. Il consacra un moment à soigner la main de Niedermann. Le coup de pelle avait ouvert une plaie profonde et il fut obligé de sortir une aiguille et du fil pour la recoudre – chose qu’il avait apprise dès l’école militaire à Novossibirsk quand il avait quinze ans. Il n’avait en tout cas pas besoin de faire une anesthésie. En revanche, il était possible que la plaie soit grave au point d’obliger Niedermann à aller à l’hôpital. Il fit un pansement avec attelle.

Quand il eut fini, il s’ouvrit une bière pendant que Niedermann se rinçait les yeux dans la salle de bains.

 

La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette
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